Energie Solaire | |
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Magic! Number 9 July / August 1996 Page: ?? |
![]() Adulés dès 87-88 comme pionniers de la techno anglaise, auteurs d'hymnes inoubliables (Cübik, Pacific, Cobra Bora...), parfaite symbiose baléarique entre mélodies pop béates et expérimentations technologiques, 808 State est bien le groupe qui a permis à la house de dépasser le cadre des initiés : union avec la pop - il faisait chanter Bjork en 91 - albums réussis, véritables prestations live. Ennemi juré du sectarisme et des classifications, le trio de Manchester mérite aujourd'hui sa consécration grâce à Don Solaris, album du cross-over incisif, percutant et magnifique. Le parcours de 808 Mate semble peu courant, des débuts en pionniers de la techno anglaise à aujourd'hui, avec une orientation plus "classique", des structures de morceaux presque "rock"... Graham : La créativité et les surprises se sont éloignées de la scène dance, on n'y applique plus que des formules. Ce que je trouve vraiment choquant aujourd'hui dans les clubs, c'est que l'on peut souvent anticiper le morceau suivant dans un mix, tout est devenu très prévisible. Au début, c'était très excitant : chez ZTT, par exemple, notre label, on nous laissait en paix, nous pouvions expérimenter autant que nous le voulions car cette musique était nouvelle pour eux, ils ne la jugeaient pas. Aujourd'hui, la dance est devenue un phénomène de masse, tout le monde s'autoproclame spécialiste et se permet de te donner des "conseils". Ça m'amuse un peu quand j'entends dire que la dance est le seul courant encore subversif et novateur car elle est en fait devenue une institution avec ses codes et ses manies. Et 808 State en fait partie, que nous le voulions ou non... La seule scène que je considère comme encore fraîche et excitante est la scène drum'n'bass, avec ses orientations deep et jazzy. Mais soyons clair : Don Solaris puise ses racines dans la dance même s'il s'en détache quelque peu. Avec cet album, nous nous éloignons des "vieilles choses", la scène techno, les institutions, pour nous éveiller aux "nouvelles choses", le changement, l'introspection, une vision plus globale du monde. Ce sont ces changements qui peuvent expliquer les quatre années entre Gorgeous et Don Solaris ? G. : Quatre ans ?! L'attente a dû vous sembler longue ! En fait, après Gorgeous, on a tourné très longtemps. Et puis, nous ne voulions surtout pas nous répéter, nous n'avons pas arrêté de changer de direction pour ce nouvel album. Darren : La scène britannique n'a cessé d'évoluer, en particulier en dance. Et il nous a semblé judicieux de prendre du recul pour nous ressourcer et composer un bon album. 808 State a toujours été un groupe d'albums... G. : Sincèrement, c'est surtout parce que nous n'arrêtions pas de changer de direction... Et puis, le disque est fini depuis décembre dernier. On a dû attendre, prendre notre place dans la file d'attente. (Sourire.) Mais peu importe le temps passé : seul compte le résultat final. Un bon album est un bon album. Même si cela doit prendre cinq ans... Dans l'ensemble, Don Solaris semble plus fou, plus agressif, plus percutant que Gorgeous, votre disque précédent... En fait, je le rapprocherais plus de l'esprit de notre album Ex: El de 1991, pour la violence des mélodies. Mais ne t'y trompe pas : cette violence et cette énergie sont à prendre au second degré, comme un délire, un défoulement, notamment ces soli de synthétiseurs avec lesquels nous nous sommes vraiment amusés. Beaucoup de groupes rock n'ont qu'une dimension, ils misent tout sur l'attitude mais manquent d'humour. Nous souhaitons que notre musique comporte plusieurs niveaux d'écoute pour accompagner toutes les humeurs de l'auditeur, l'aider à se perdre dans la musique. C'est pourquoi Don Solaris n'est pas à écouter uniquement à la maison : il est hybride car nous aimons être libres de donner différentes directions à la musique. Cependant, malgré cet éclectisme et la longueur de l'enregistrement, Don Solaris est votre album le plus cohérent. Après les tournées, nous avons passé énormément de temps à composer. Nous étions vraiment en verve et lorsqu'il a fallu revenir sur terre ou plutôt dans le music business, nous avions beaucoup de morceaux en stock : nous avons donc sélectionné les meilleurs, ceux qui se complétaient le mieux. Mais cette unité de son s'explique surtout par le mixage, qui a été réalisé en un mois de manière très concentrée : cet état d'esprit confère à l'album son unité. Une déclaration d'intention Après Ex :El - avec Bjork et Bernard Sumner - ou Gorgeous - avec Ian Mc Culloch et Ali Campbell -, vous utilisez encore une fois des voix "pop" sur Don Solaris. Comment se font les choix de ces collaborations ? Nous avons réalisé beaucoup de collaborations pour ce disque mais on n'en a gardé que quatre au final... A part James Dean Bradley des Manic Street Preachers, les personnes utilisées cette fois-ci, que ce soit Doughty de Soul Coughing ou Louise de ne sont pas vraiment des stars. D. : Nous invitons des artistes avec qui nous avons quelque chose en commun, pas forcément musicalement : c'est plutôt une affaire de communion d'esprit. Mais nous considérons la voix comme un instrument parmi les autres. Nous n'écrivons jamais une mélodie pour quelqu'un en particulier. G. : Nous faisons attention à ce que les textes restent mystérieux et assez vagues pour ne pas attirer toute l'attention de l'auditeur. Un texte trop lourd peut nuire à la pureté de la musique en la ramenant sur terre. J'estime que la musique en elle-même est déjà un fabuleux vecteur d'expression, elle ne nécessite pas de "message" supplémentaire. D'ailleurs, pour en revenir à l'aspect pop de Don Solaris, je ne le trouve pas évident : regarde les morceaux chantés, ils conservent une structure très libre, même celui de James des Manics, qui suit une dynamique globale, sans l'aspect "couplet-refrain". D. : C'est marrant car je n'étais pas très fan des Manics jusqu'à récemment, lorsqu'un ami m'a prêté certains de leurs disques. Et j'ai tout de suite trouvé la voix de James très intéressante et les textes m'ont séduit également, surtout ceux de Nick. Et l'idée de confronter la voix particulière de James à notre musique nous semblait vraiment intéressante. Et ça a fonctionné car beaucoup de gens adorent Lopez. De toutes façons, tu sais, nous n'avons peur d'aborder personne, surtout ceux qui pourront nous apporter quelque chose. En fait, la seule personne qui nous ait contactée pour travailler avec nous est Bjôrk, lorsqu'elle est venue s'installer en Angleterre. C'est grâce à ces échanges que tu apprends ! ne faut pas se leurrer : en musique, tu peu apprendre des choses chaque jour, de n'importe quel style, du rock, de la country, de la techno... Vous avez été les premiers à faire ce genre de "cohabitations" et depuis bon nombre de groupes de la scène dance ont repris le principe... C'est toujours la même histoire... Il faut quel-qu'un pour oser ouvrir la porte. Mais, c'est ceux qui la franchissent juste après qui récoltent les fruits du.travaû Maison s'en moque... 808 State a traversé plusieurs phases dans-son histoire et le fait que nous soyons toujours ensemble ex' aire. L'idées n' été' et même" milliers de disques. La musique a toujours eu besoin de groupes comme 808 State ! G. : Il n'y a que très peu de bons disques dance car la plupart n'ont qu'un ou deux hits à offrir et le reste n'est que remplissage. D.: Nous sommes là pour détruire les barrières... Et même s'il n'y a qu'une seule personne qui s'en aperçoit, ce sera suffisant... Il y a des artistes avec qui souhaiteriez travailler particulièrement, aujourd'hui... G. : Sur ce point, nous avons réalisé la plupart de nos ambitions. En fait, ce que l'on aimerait surtout maintenant, c'est travailler avec de nouveaux artistes, de nouveaux noms. Ce sont de gens qui nous intéressent bien plus que ceux présents déjà depuis plusieurs années. Bond, le morceau avec Doughty, sera le premier single. Ce qui peut paraître étrange... C'est une façon de bien montrer que nous avons évolué ! Je sais que ce n'est pas un titre facile pour les grosses radios. Mai, pour nous, c'est une sorte de déclaration d'intention... D. : Dans ce pays, les singles doivent vendre les albums. Mais, Don Solaris est un disque à écouter dans son ensemble. Pour nous, cet album doit être perçu comme le Maxinquaye de Tricky, le quatrième des Beastie Boys ou le Dummy de Portishead. G.: Grâce à eux, les choses ont commencé à changer un peu : il n'y avait pas vraiment de singles très porteurs et le public a quand même acheté ces disques. Si le public continue à évoluer dans cette direction, nous serons parvenus à nos fins ! Gorgeous avait également attiré l'attention avec ces samples du Start! de The Jam ou du She's Lost Control de Joy Division. Cette-fois, vous semblez avoir moins utilisé cette technique... D. : Dans ce pays, dans la scène dance, tous les artistes ont exactement le même matériel, les mêmes boites à rythmes, les mêmes vieux synthés. C'est pour cela qu'il faut lutter pour arriver à sonner différemment, à trouver de nouvelles directions, d'abord pour nous faire plaisir. Car si nous arrivons à nous faire plaisir, je sais que le public suivra... Idées et sensations Vos trois derniers albums ont montré une facette très éclectique, ce qui est rarement le cas chez les groupes électroniques... G. : Le grand problème de cette scène, c'est que la plupart des groupes ou artistes sont avant tout obnubilés par la technologie et non pas par la musique. Et ils oublient que le public est là pour écouter cette musique et se contrefiche de la façon dont est enregistré un disque. Ils feraient mieux de fait le don. D.: ne sommes pas un groupe base sur public n'achète pas les disques de 808 State à cause ou grâce à nos looks. achète parce qu'il est dingue de notre musique. Aujourd'hui, nous avons de vrais fans, des gens t savoir de 808 State. Tu sais, il y a six ans, nous avons été la "hype" du mois. Mais notre position actuelle nous satisfait bien plus. G. : Aujourd'hui, une partie du public s'est lassée de la mouvance techno, et dès qu'elle a la possibilité d'écouter une musique électronique qui fait preuve d'imagination, elle n'hésite pas. D. : Je meurs d'envie de partir en tournée pour jouer les nouveaux titres en concert. Lorsque je vais à un concert, rock ou techno, je sais ce que j'attends des groupes. J'apprends toujours quelque chose. On a envie de rencontrer notre public pour savoir ce qu'il pense de Don Solaris. Parce que ces discussions seront le carburant de nos prochains morceaux. Nous avons toujours approché nos concerts comme un groupe et jamais comme une équipe de producteur à l'instar des Chemical Brothers ou Orbital. Quelles sont vos sources d'inspiration ? Nous puisons évidemment beaucoup dans Manchester où l'activité musicale reste très importante. II suffit de se balader le soir dans les petits clubs pour découvrir des Djs ou des artites passionnants, avec de nouvelles manières d'aborder la musique. J'évite les endroits trop connus genre la Hacienda, devenue très touristique. La musique de 808 State doit aussi beaucoup aux réactions, positives ou négatives, à ce que nous entendons à droite à gauche. Il est important de garder cette capacité à réagir, de donner notre réponse à telle ou telle production récente. Notre but reste de réaliser les disques que nous aimerions acheter. Mais l'orientation globale d'un album, plus rock ou plus breakbeat, reste spontanée. D. : Sinon, d'un point de vue strictement musical, les Beastie Boys ou les scènes drum'n'bass et trip hop ont été de bonnes sources d'inspiration. G. : Nous essayons toujours de trouver des territoires inexplorés plutôt que d'intégrer une scène déjà vivante. D. : Lorsque nous avons commencé en 86 ou 87, il n'y avait pas beaucoup de house ou de techno et nous nous sommes faits nous-mêmes. Et c'est le genre d'attitude qui nous a permis d'arriver où nous en sommes aujourd'hui. Comment choisissez-vous les remixes que vous allez accepter ? D. : Il faut que l'on trouve l'idée excitante, comme c'est le cas pour les derniers que nous avons faits, que ce soit pour Audioweb, REM ou Soundgarden. II faut que l'on sente un challenge particulier... G. : Les gens qui nous approchent savent déjà qu'ils veulent avoir autre chose qu'un pur remix dance destiné aux clubs, ils veulent retrouver la patte 808 State_ Mais nous ne courons pus_pas après les remixes nous préférons de loin créer nos propres morceaux. agisme Vous êtes souvent perçus comme un groupe uniquement "~ ':"~'5" é. Vous ne trouvez pas cette étiquette un tant soit réductrice pour 808 State ? Cela vient du fait que certains de nos disques ont vraiment très bien marché dans cette ter en Angleterre. Au début : se, Pack était devenu une sorti d'hymne, c ait tans les clubs-Nous sommes-fiers cette scene mais il est aussi très portant pour nous d'en sortir. Nous avons ces racines mais cela ne doit pas nous empê cher de grandir... D. : Cette étiquette nous poursuit surtout en Grande-Bretagne. Aux Etats-Unis, nos disque sont classés dans les charts "alternatifs" et c'est très important pour nous. D'ailleurs, nous sommes un groupe "alternatif', notre musique a un côté "alternatif. Et peut-on dire que 808 State est un groupe au sens "classique" du terme ? G. : Absolument, nous fonctionnons comme un groupe depuis maintenant dix ans. Il est certain que la méthode de composition n'est pas celle d'un groupe pop classique, elle est plus basée sur une confrontation des idées, une complémentarité des personnalités : Darren est plus fantaisiste, moi plus sérieux... L'image que je retiens est celle de trois amis réunis dans une pièce, échangeant des idées et des sensations très personnelles autour de machines. Il n'y a jamais eu autant de groupes qu'aujourd'hui. Tu ne peux plus penser à être le meilleur à chaque instant : il faut déjà arriver à être toi-même. |
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